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mardi 19 mars 2024

Plages d’Occitanie: là où vos ancêtres ont vu la mer pour la première fois

De Toulouse à Clermont Ferrand en passant par Lyon et même bien au dessus, les liens avec la façade maritime de l’Occitanie sont forts. C’est là où grands pères et arrières grands pères ont sans doute découvert la grande bleue pour la première fois , avec le plan Racine  leurs enfants y ont acheté des appartements et développé une passion pour la mer.

Camping sauvage à Sète, 1950 Collection Vié

Les deux semaines de congés payés de 1936 ont amorcé cette joyeuse descente vers la mer. Avec le billet populaire de train à 60 % de réduction à condition d’aller à plus de 200 km. C’était parfois un véritable parcours du combattant avec les changements et les attentes sur les quais de gare , avec tout le barda pour camper.Depuis les années 1850, Toulouse Matabiau et Lyon Perrache desservaient les villes du bord de mer. Les Toulousains allaient plus facilement à Sète ou Narbonne plage, les Lyonnais du côté du Grau du Roi, sinon à partir de Montpellier les gens du cru et touristes empruntaient le petit train de Palavas.

CAMPING SAUVAGE ET MOUSTIQUES

La guerre va stopper cet élan qui repartira de plus belle dans les années 50, avec les automobiles on  « descend »  en camping. C’est l’essor pour le littoral où les familles qui possèdent un terrain aménagent des restaurants ou des coins pour poser la tente.
L’été sur le cordon littoral entre Sète et Marseillan, on fait du camping sauvage à la bonne franquette. A Gruissan depuis les années 30 les gens du coin ont leurs baraquettes sur pilotis.
Du côté du Grau du Roi, on va planter sa tente au seul camping aménagé celui du Boucanet. La Grande Motte n’existe pas encore et le coin est infesté de moustiques.
« C’était quelque chose en 1950 d’aller à la mer, un vrai parcours de combattant. On partait de Lyon, direction Nîmes, une famille de six personnes chargée de toiles de tente et tout le nécessaire pour camper. Là,on attendait sur les quais le petit train pour le Grau du Roi. On payait le camping au mois. Il y avait déjà des animations, des cirques venaient, pas des grands bien sûr, le samedi c’était radio crochet avec des petites vedettes de passage comme Hugues Aufray. Mais nos parents nous faisaient là un cadeau extraordinaire, peu de familles partaient à la mer. Lorsque je n’avais pas le moral pendant l’hiver, je descendais à la cave respirer la toile de tente, elle sentait le sel, la mer, le soleil et les vacances » raconte le lyonnais Joël Minano désormais propriétaire d’un appartement à Port Camargue.
Les toulousains, eux, empruntent la nationale après Ramonville Saint Agne « fallait bien faire le plein en partant parce que les stations il n’y en avait pas beaucoup. Et on priait pour pas tomber en panne car les garagistes c’était pareil mais il y avait de la solidarité, les gens s’arrêtaient pour aider . Nous on allait jusqu’à Collioure, macarel l’expédition!» témoigne Jean Vidal, du quartier de Croix Daurade à Toulouse et dont le fils, à force de barboter au milieu des rochers, est devenu un professionnel en plongée.

LE PLAN RACINE

Au début des années 1960, débute pour la côte languedocienne une véritable petite révolution. Le Général de Gaulle et Georges Pompidou, son premier ministre, décident d’aménager le littoral pour développer le tourisme pour concurrencer la Costa Brava espagnole. La mission est confiée à un pied noir de Tunis et haut fonctionnaire : Pierre Racine. Son interview à l’ORTF d’alors est édifiante sur l’ampleur de la tâche :«  il y a 4 ennemis à vaincre, deux naturels : le vent et les moustiques. Et les deux autres sont d’éviter la spéculation et la laideur des constructions ». http://www.ina.fr/video/CAF93019796
Depuis la nuit des temps, la spécificité de la côte languedocienne ce sont ces lagunes qui se forment, se font manger par la mer puis se reforment. L’exemple même en est Narbonne, cité majestueuse et romaine où l’on pouvait venir en bateau au milieu d’un dédale de petites îles.
Puis les marécages ont repris le dessus mais cette histoire se lit toujours sur une carte au vu des milliers de petits canaux qui parcourent la côte en dessous de Narbonne. En 1876, un géographe Charles Lentheric donne une vision réaliste du rivage dans son ouvrage « Les villes mortes du Golfe de Lyon »*. Il nous fait traverser ces villes : la Camargue un immense marécage avec Aigues Mortes ensablée et tuée économiquement par Sète. Le Grau du Roi ? Un nid à moustiques, quelques cabanons de pêcheurs qu’il juge de mauvaise vie et alcooliques.


En fait, seule Sète qui lutte aussi contre l’ensablement de son port semble avoir encore de la vie. Ailleurs, Lentheric se désole de voir les ports de Banyuls ou Port Vendres s’étioler. Il n’y a pas beaucoup d’habitants, les hommes ont fui les bords de mer insalubres pour ne pas périr des fièvres apportées par les moustiques des lagunes et marécages.
Selon les recherches du géographe, les maisons sur pilotis de Gruissan représentent bien ce qui a été l’habitat en bord de mer. Du temps de l’occupation de l’Espagne, la proximité Del Andalous a entrainé la crainte des raids de pirates, ceux Del Andalous mais aussi par la suite des espagnols. Au XVI ème siècle  de nombreux documents témoignent de razzias réciproques d’ailleurs entre pêcheurs. Mais le fait est que le Golfe du Lion et ses terribles tempêtes, ses ports ensablés et peu sûrs pour se réfugier par gros temps , n’ont pas aidé le commerce et donc l’activité humaine à se développer.

Plan Racine, la Grande Motte

 

LA NOUVELLE FLORIDE

Le gros chantier du plan Racine a été de désinsectiser les colonies de moustiques des zones lagunaires et des marécages. Puis de créer un réseau routier. L’État a acheté des terrains, pour exemple à Agde les prix montent, c’est désormais 1500 francs le m2 de vignes en bord de mer. Le cahier des charges du 5 juin 1967 précise « sont interdits toute pastiche d’architecture archaïque, romantique ou étrangère à la région…, tout esprit de modernisme basé sur des volumes ou des formes exagérées qui peuvent rompre l’unité de simplicité recherchée « . Des architectes sont nommés, certains deviendront par la suite célèbres et d’autres pas.
Candilis pour Leucate-Barcarès opte pour une référence à l’organisation urbaine grecque antique avec patio, rez-de-chaussée, terrasse-loggia à l’étage
Jean Balladur pour La Grande Motte-Port Camargue a l’idée a l’idée de pyramides adaptées au paysage plat ce qui casse la monotonie en offrant des perspectives de monts
Raymond Gleize et Edouard Hartané pour Gruissan optent pour une architecture en voûtains. L’arrondi de l’architecture en voûtains ressemble au mouvement adouci de la vague qui retombe, mais aussi à la forme floue des dunes de sable sur la plage
Jean Le Couteur pour le Cap d’Agde a voulu développer une architecture de villages du Languedoc avec une grande artère principale

Les stations auront chacune leur look, qui sera aimé ou critiqué : les marinas à Port Camargue et Port Barcarès, les pyramides à La Grande Motte, les maisons aux couleurs vives et à étages au Cap d’Agde . La presse s’emballe pour le projet et titre « la nouvelle Floride« .
Le 24 octobre 1967 : le Général de Gaulle vient visiter Languedoc. Son hélicoptère se pose à la Grande Motte. Ces formidables ensembles immobiliers qui sortent de terre représentent un rêve pour la classe moyenne française. Avoir un appartement à la mer méditerranée. Sur la côte d’Azur, le phénomène Bardot a déjà fait exploser les prix, tandis que sur les côtes languedociennes , même pour un studio, le rêve est désormais à portée de main. Le littoral sera désormais peuplé de ces nouveaux acquéreurs, venus de toute la France, retraités ou pas. Les hôtels comme les commerces poussent comme des champignons.. La suite on la connait, ces nouveaux habitants vont générer depuis 1970 des générations tournées vers la mer, plongée, voiliers…
40 ans plus tard, le littoral de l’ Occitanie est la 4ème région touristique française avec près de 15 millions de touristes principalement originaires d’Ile de France, de Rhône Alpes, de Midi Pyrénées, mais également des visiteurs résidant en Languedoc-Roussillon. La clientèle étrangère représente quand à elle le tiers restant, avec près de 5 millions de touristes. Elle est très majoritairement européenne, et constituée principalement d’Allemands (34%), de britanniques (22%) et de Néerlandais (17%).

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