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mardi 19 mars 2024

La Festa de l’Issanka : l’hymne occcitan de Sète

 

C’est avec une ferveur quasi religieuse que les Sétois entonnent « La Festa d’Issanka » un chant puissant et énorme, qui donne des frissons lors des traditionnelles joutes. Un hymne au courage « chagrin faï ta mala » né de la vague félibre à Sète.

C’est un cri, c’est un chant en occitan composé par Désiré Servel, un professeur de musique, originaire de Clermont l’Hérault, qui s’installe en 1891, au 10 rue des Hôtes (aujourd’hui rue Frédéric Mistral) à Sète. Les paroles sont écrites par Michel Pino, un catalan.

La Festa de l’Issanka, un chant de révolte felibre?

En ces années là en France , il ne fait pas bon parler occitan. Depuis la défaite de Sedan, en 1870, attribuée au fait que les soldats et « leurs patois » n’avaient pas compris les ordres de leurs chefs.
Dès lors, des cohortes d’instituteurs, les fameux hussards noirs de la République, se sont chargés à coup de règle en fer à extirper de leurs élèves la moindre velléité à prononcer un seul mot « de patois ».
« Le patois » un terme dédaigneux pour discréditer, surtout l’occitan, pourtant une langue romane au même titre que le français.
Bien avant le grand Georges, dans les années 1880, à Sète, pourtant un port de gens laborieux, la ville regorge de concerts et bars musicaux. Le Sétois se targue d’avoir l’oreille musicale et les orchestres sont légion.

Des professeurs du conservatoire n’hésitent pas à se produire et à produire des œuvres populaires tout comme Désiré Servel. Ce dernier va créer « L’espoir de Sète » pour des concerts, il y a aussi « La lyre Sainte Cécile » et bien sûr le summum dans cette catégorie est « L’Harmonie de Sète » d’ Alphonse Gracia.

Gracia, né dans une famille de musiciens à Sète est un prodige. Grâce à lui l’Harmonie de Sète devient la meilleure formation musicale de la région puis enchaine les prix d’excellence dans tous les concours de France même à Paris.
Gracia, Servel et bon nombre d’artistes et musiciens sétois sont de fervents militants pour la défense de la Langue d’Oc. Ils se disent « félibres » dans la lignée de Frédéric Mistral et ont même leur siège au 13 bis Quai de Bosc « L’Escola de Sent Cla ».

Un pied de nez manifeste à ceux qui voudraient imposer le français, les répertoires des formations musicales sétoises ont un gros lot de chansons en occitan dont « la Festa de l’Issanka ».

L’affiche des festivités de la ville de Cette en 1897 met à l’honneur les trois formations musicales citées plus haut. Elles se produiront au Kursaal et au Casino. Et en septembre comme chaque année c’est la grande fête champêtre à Issanka.
Issanka, c’est un écrin de verdure à quelques kilomètres de Sète, un petit hameau champêtre et ravissant, aujourd’hui fantomatique et abandonné.

Les sétois ont une histoire particulière avec Issanka, le lieu fut choisi, après maintes palabres politiques, pour approvisionner le port en eau courante. D’énormes festivités ont eu lieu en 1860 lorsque l’eau d’Issanka est enfin arrivée en ville.

Bien avant l’épisode de la conduite d’eau, c’était une tradition dans les familles sétoises: quand la malaïgue (maladie de l’eau) fait blanchir l’étang de Thau, c’est qu’il fait trop chaud. On prenait alors le petit train pour aller se rafraichir sous les arbres d’Issanka. Cétait un peu la guinguette du coin.

Pas un hasard si la chanson « la Festa de l’Issanka » fut plébiscitée par les Sétois, Issanka c’est le parfum des vacances d’été, des piques-niques bien arrosés.
Et puis facile à comprendre pour ceux qui encore parlaient l’occitan et… pour ceux qui ne le parlaient pas, il y avait comme un petit défi et un vent de révolte dans l’air à le chanter!
Le « Faï ta mala! » de la Festa de Issanka va inspirer jusqu’à Nimes, où une foule de mécontents contre un élu véreux va improviser sur le parvis de l’hôtel de ville, un chant autour d’un homme qui retourne sa veste avec en refrain « faï ta mala »!
« La festa de l’Issanka » restera vivace grâce à la fréquentation des lieux, notamment avec les célèbres fêtes d’été du Parti Communiste de l’Hérault. Dans les années 50, les joueurs de Rugby originaires des villes autour de l’Etang de Thau entonnaient le refrain lors de victoires.
A Sète, La Festa de l’Issanka est de mise pendant les joutes mais aussi les évènements festifs ou familiaux. C’est un trait d’union de l’île Singulière entre toutes les familles d’origine espagnole, italienne ou plus récemment pied noir.
La festa de l’Issanka est typiquement sétoise contrairement au Se Canta chanté à Toulouse ou Montpellier. Le Se Canta est un dérivé « d’Aqueros mountagnos » , attribué à tort ou à raison au béarnais Gaston Phoebus. Il est chanté jusqu’à Bordeaux et surtout à la base dans les montagnes pyrénéennes. Dans une séance devenue virale en 2013, le député béarnais Jean Lasalle l’entonne à l’Assemblée Nationale https://www.youtube.com/watch?v=lH-9TSlwqCA.
A Toulouse, le chant occitan vraiment local était « La Toulousaine » repris en 1967 par Claude Nougaro « O mon païs O Toulouse ». Le « Se Canta » a été importé à Toulouse par des arrivants du sud de la Haute Garonne, les montagnards du côté de Saint Gaudens. En 2010, le TFC d’Olivier Sadran le met en circuit lors des matchs.https://www.youtube.com/watch?v=OoJPRGcyxfI . Le « Se Canta » se répands dans Toulouse la festive via les bars et bamboulas. En 2016, les supporters du Montpellier Hérault Rugby l’adoptent aussi comme hymne.

1 COMMENTAIRE

  1. Merci pour cet article des plus intéressants et qui m’a bien aidé, à propos de Sète et d’Issanka. Ci-dessous la conclusion du mien d’article et du site où il sera publié :

    L’expression “ Fai ta mala ” fera florès notamment à Nîmes contre un politique détestable !
    À Fleury, on lance “ De l’air ! ”comme disait la Séraphie, la buraliste, coumo disio la Séraphie, passant naturellement comme tous, du languedocien au français et vice-versa.
    Nous, de l’autre côté, côté nationale 113, il nous arrivait pour les grandes vacances, de changer d’air justement, non pas pour fuir quoi que ce soit, mais pour aller retrouver les grands-parents en Tchécoslovaquie. Le passage aux abords d’Issanka contribuait au dépaysement. Pour moi ce nom dénotait, il sonnait russe dans la plaine languedocienne, qui plus est si, sur la nationale un panneau faisait le lien avec la fête du parti communiste héraultais, de quoi fredonner illico « KALINKA, KALINKA, KALINKA MAÏA…» !
    Merci au site :
    La Festa de l’Issanka : l’hymne occcitan de Sète | CapMerOccitanie

    https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/

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